mardi 21 juin 2016

Trois dons pour la Terre


Il était une fois le monde plongea dans le chaos.

La famine et la sécheresse s’abattirent sur toute la Terre.

Les fleuves se desséchèrent, les plantes se recroquevillè-rent, les animaux  disparurent. Il n’y avait plus de lumière, il n’y avait plus de bonheur. A leur place, le froid et la nuit éternelle s’installèrent.

Quant aux gens, ils ne voyaient plus de bien en eux-mêmes et en autrui ; personne ne respectait personne ; per-sonne ne prenait plus soin de personne.

Les scientifiques, les chamans et les sages de tous les pays se rassemblèrent pour trouver quoi faire pour sauver le monde. Ils faisaient des calculs, ils regardaient les étoiles, ils interrogèrent les cartes.

Finalement, tous les calculs et tous les augures les em-menèrent vers le même résultat : on sauverait la planète grâce aux trois clés. Ces trois clés serviraient à ouvrir les trois portes cachées dans un endroit secret depuis des millions d’années. Les trois Seigneurs qui  détiennent les trois clés ouvriraient les portes, rentreraient dans l’Inconnu et en apporteraient les trois choses nécessaires pour sauver la Terre, pour y réinstaurer la vie et le bonheur.

Mais personne n’avait une idée où chercher les trois Seigneurs.

Les scientifiques et les chamans se remirent au travail. Leurs calculs scrupuleux et leurs divinations permirent à trouver les pays dont les Seigneurs détenaient les trois clés.

Le Seigneur du premier pays était déjà parti dans un monde meilleur. Il avait laissé un héritier, un jeune Prince.

Le Seigneur du deuxième pays avait connu le même sort. Il avait laissé une héritière – la jeune Princesse.

Dans le troisième pays la situation était encore pire – le Seigneur disparu ne laissa après lui qu’un tout petit garçon.

Mais c’était tout de même mieux que rien !

Les scientifiques et les chamans emmenèrent les héritiers des Seigneurs à l’endroit où étaient cachées les trois portes vers l’Inconnu. Les portes étaient si sales qu’il fallut trois jours et trois nuits pour les nettoyer des toiles d’araignées et de la poussière.

Finalement vint le moment d’agir.

Le jeune Prince entra la clé dans la serrure et la clé se tourna elle-même. L’immense porte s’ouvrit et le Prince y partit.

On ne sait pas combien de temps il s’absenta, mais au bout d’un moment il en sortit. Il portait dans ses mains une boule de lumière, si brillante et si chaude que tout le monde ferma les yeux et cria de douleur. Mais le Prince ne se sentait pas du tout gêné par la boule de lumière.

Puis, il sépara ses mains et la boule de lumière s’envola vers les cieux. La Terre avait de nouveau son étoile de la vie. Les glaciers fondèrent, les fleuves coulèrent. Les habitants de la Terre purent enfin se réchauffer et tiédir leurs cœurs.

Mais il n’y eut toujours aucune herbe dans les champs, aucun poisson dans les fleuves, aucune bête dans les forêts. La chaleur et la lumière ne suffisaient pas : les gens voyaient toujours tout en gris.

Maintenant, c’était le tour de la jeune Princesse de faire un pas dans l’Inconnu.

Elle introduisit sa clé dans la serrure, et la clé se tourna elle-même. La porte s’ouvrit et la Princesse y entra.

Au bout d’un moment elle sortit. Dans ses mains elle portait soit des graines, soit du caviar. Dès qu’elle sépara ses mains, les graines tombèrent et se répandirent partout sur Terre.

Là où une graine rentrait dans le sol, les champs de blé se levèrent, les forêts et les fleurs poussèrent. Là où une graine tombait dans l’eau, apparurent des crocodiles, des poissons et d’autres canailles. Les graines qui restèrent à la surface, donnèrent vie à des bêtes des forêts, des montagnes et des déserts. Enfin, les graines qui restèrent flotter dans l’air, se transformèrent en oiseaux.

Mais malgré la chaleur et le retour de la vie sur Terre, les gens n’étaient pas tout à fait heureux, rien ne réjouissait leur regard. Il manquait toujours quelque chose.

Arriva le tour de l’enfant-roi de rentrer dans la porte de l’Inconnu.

Pendant qu’il insérait la clé dans la serrure de la porte, les conseillers et les ministres de son pays lui donnaient des instructions et des conseils.

« Prenez ça, prenez ci, votre majesté ! »

La porte s’ouvrit et le garçon y entra.

Les ministres et les chamans attendirent longtemps. En-fin, la porte s’ouvrit et l’enfant apparut. Mais il n’avait rien dans ses mains.

Les conseillers et les scientifiques se jetèrent sur lui avec des questions :

« Votre majesté ! Pourquoi n’avez-vous rien pris ?

– Qu’avez-vous vu là-bas ? »

Il répondit :

« On m’a dit de ne rien y prendre. Et on m’a prévenu aussi que si vous posiez des questions, je devrais uniquement décrire tout ce que je voyais avec mes yeux ! »

Les ministres et les grands se mirent à soupirer et à murmurer. De toute évidence, l’enfant-roi s’était fait berner.

Finalement, ils décidèrent de suivre l’instruction que le garçon avait reçue derrière la porte vers l’Inconnu.

«  Qu’il nous dise ce qu’il voit avec ses yeux, dit l’un des ministres, le plus jeune parmi eux. Qui sait, peut-être ça nous apprendra quelque chose ? »

Et les ministres emmenèrent l’enfant-roi dans un champ de blé.

Un vieux ministre dit :

« Que voulez-vous qu’il voie ici ! Il n’y a que des vieilles vaches et des mouches qui les piquent ! »
Mais l’enfant-roi répondit :

« Non, mon oncle. Ce que je vois ici, c’est la beauté ! Regardez-moi toutes ces fleurs, tout ce blé ! Dans la trésorerie l’or est froid, regardez maintenant l’or de ce blé : il est brûlant, il est vivant ! Le blé puise la vie de la terre et la répand partout ! Je vous dis : c’est beau ! »
Les grands et les ministres se mirent à murmurer, tout en balayant du regard tout autour.

Effectivement, ils trouvèrent la nature belle. Le soleil de la joie éclaircit leurs âmes.
Ensuite, ils emmenèrent le petit roi au bord de la mer.

Le vieux ministre continua son pleurnichage :

« Ici, il n’y a sûrement rien à voir ! Il fait froid et le vent glacial nous ronge les os ! »
Mais l’enfant-roi répondit :

« Nous sommes venus ici en tant qu’invités. Pourquoi donc tu insultes notre hôte, la mer ? Fais-tu de même quand tu rends visite à quelqu’un ? Regardez tous : qu’elle est belle, la mer. Ses vagues, comme des brebis, courent les unes après les autres. Elles ne savent pas, les pauvres, qu’en touchant la rive elles se briseront ! Et dans le ciel leurs sœurs, les brebis-nuages essaient de les rattraper, de les prévenir : n’y allez pas, c’est le danger qui vous y attend ! Mais c’est tout de même beau ! Malgré la tristesse… »

Les ministres regardèrent autour d’eux, la bouche bée. Ils furent enchantés, d’abord par les paroles de l’enfant, puis par le paysage qu’ils virent avec leurs yeux, de nouveau ouverts.

Le jeune ministre s’exclama :

« Alors, messieurs ! L’enfant-roi nous a appris à regarder autour de nous et à voir le bien partout ! Il ne suffit pas de vivre dans ce monde et de profiter de ses dons. Nous devons lui rendre hommage en parlant de sa beauté ! Sinon la vie ne vaut pas la peine d’être vécue, nous ne verrons que de vieilles vaches et le vent glacial ! »

Puis, toute la compagnie retourna au palais.

En passant par la place du palais, ils virent une petite fille mal habillée qui jouait tout près de la fontaine. Ses vête-ments étaient sales et elle bricolait une tour avec des cailloux.

Le vieux ministre recommença :

« Maintenant, il n’y a rien à dire : c’est une scène des plus moches ! Une va-nu-pieds qui joue dans la poussière ! »

« Tu es vraiment inconscient, mon oncle ! répliqua l’enfant-roi. C’est la beauté à l’état pur de ce monde ! L’enfant est un être qui reste toujours beau et propre, même si tu le mets dans une flaque de boue ! »

Les ministres se mirent à rigoler. Le vieux réfléchit un peu, regarda mieux la petite fille et rit aussi. Bien sûr ! En l’observant bien, on voyait ses grands yeux bleus, son visage tendre. Et quand la fillette attrapait les cailloux avec ses petites mains maladroites, on ne pouvait plus se retenir de rire ! Et le vieux ministre rit de soi-même, de son caractère épineux !

A partir de ce jour, tous les ministres de tous les pays du monde conclurent un accord et éditèrent une loi selon laquelle chaque habitant de la Terre devait désormais observer et dénicher la beauté partout dans la nature. Et s’il n’avait pas assez d’imagination pour la voir, il lui suffisait de demander un enfant de le faire à sa place.

Sous peine d’être sévèrement puni par le destin !

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